Cet article est le transcript et les ressources de l'épisode 40 du podcast Slow Marketing. 🎧 Voici le lien pour écouter l'épisode ! 📮Abonne-toi à la Newsletter pour ne rien louper des prochains épisodes !
"Même dans un monde post-croissance, tant qu'il y aura des échanges économiques, il y aura du marketing."
Bienvenue dans un nouvel épisode de Slow Marketing, le podcast qui révolutionne le marketing en le rendant responsable, positif et engagé. Dans cet épisode, Anaïs Baumgarten reçoit Nicolas Lambert, un expert au croisement du marketing et du développement durable. Auteur du livre "Le marketing va-t-il sauver le monde ?", Nicolas partage son parcours impressionnant, de ses débuts chez Unilever à son rôle de directeur chez Fairtrade, et son engagement actuel à promouvoir un marketing plus durable.
Dans cet épisode :
Transition vers le développement durable : Nicolas raconte son parcours et explique comment il a su concilier le marketing et le développement durable au fil de sa carrière.
Comprendre la décroissance : Une discussion profonde sur la décroissance, la sobriété et pourquoi ces concepts sont cruciaux dans le contexte actuel.
Marketing et sobriété : Nicolas répond à la question brûlante de la pertinence du marketing dans une économie en décroissance et partage des exemples concrets de réinvention de modèles économiques.
Défis et opportunités : Exploration des principaux défis que les marketeurs doivent relever et des opportunités qui se présentent lorsqu'ils adoptent des pratiques plus durables.
Actions concrètes : Conseils pratiques pour les professionnels du marketing souhaitant aligner leurs pratiques avec les principes de la décroissance.
Questions abordées :
Quelle est la définition de la décroissance et pourquoi est-elle importante aujourd'hui ?
Le marketing est-il pertinent dans une économie en décroissance ?
Quels sont les principaux défis et opportunités pour le marketing dans le contexte de la décroissance ?
Quelles actions concrètes les marketeurs peuvent-ils entreprendre pour aligner leurs pratiques avec la sobriété ?
Les ressources
Le transcript
Bonjour Nicolas, c’est un plaisir de t’accueillir sur Slow Marketing. Alors, est-ce que tu peux te présenter et nous partager ton parcours ?
Nicolas : Alors, je m'appelle Nicolas Lambert. J'ai une expertise au croisement du marketing et du développement durable. J'ai sorti un bouquin là-dessus l'année passée qui s'appelle "Le marketing va-t-il sauver le monde ?" Avant ça, j'ai travaillé pendant une vingtaine d'années dans de très grosses boîtes, dans les départements marketing, comme chez Unilever et compagnie. Ensuite, j’ai fait un peu de consultance. Puis, j’ai eu la chance d’être le directeur de Fairtrade, l’organisation qui gère le label du commerce équitable en Belgique, ce qui m’a fait plonger dans le monde du développement durable. Et maintenant, je combine les deux : j’accompagne les entreprises, je donne des cours, des formations sur ce sujet.
Je me demandais, sur ton parcours, comment est-ce qu’on passe de Unilever à Fairtrade ? Après, je sais que tu as eu des expériences entre les deux, mais c’est quand même un peu le grand écart, non ?
Nicolas : Oui, c’est ce qui apparaît de l’extérieur. On me pose souvent cette question. Pour moi, l'idée du développement durable, même si on ne l’appelait pas comme ça à l’époque, de concilier le bien commun et le business, c’est quelque chose qui m’a passionné depuis mes études. L'idée de travailler dans une ONG liée au développement nord-sud m’a toujours attiré. Quand j'ai été en contact avec Fairtrade, je me suis dit que c’était parfait parce que c’est une entreprise qui est dans le commerce et qui se soucie du bien commun. C’était donc un pont idéal pour moi. Et au-delà de ça, même si de l’extérieur cela semble très différent, fondamentalement, c’est travailler avec des gens, et les gens chez Unilever comme chez Fairtrade sont tous de très bonnes personnes. Finalement, ce n'est pas si différent que ça en a l'air.
Aujourd’hui, je voulais qu’on parle de marketing et décroissance. C’est un sujet qui me travaille et sur lequel je réfléchis depuis quelque temps. Je t'avais entendu et rencontré à une conférence sur le marketing et la communication responsable, et tu as été le premier à mentionner la décroissance durant toute cette soirée de conférence. Du coup, je voulais vraiment en parler avec toi. Avant ça, est-ce que tu pourrais nous donner ta définition de la décroissance et expliquer pourquoi c’est important dans le contexte actuel ?
Nicolas : La décroissance est une théorie, une philosophie avec de nombreux aspects : politiques, philosophiques, éthiques, et bien sûr économiques. Elle remet en cause l'idée de la croissance à tout prix, partant du postulat que dans un monde aux ressources limitées, la croissance ne peut pas continuer indéfiniment. Dans le cadre du marketing, je préfère parler de sobriété, un concept plus concret. La sobriété implique de consommer moins, surtout des produits ou services ayant un impact sur l'environnement, et de produire moins à partir de ressources matérielles. C’est un concept qui entre en résonance avec l'idée de marketing de manière un peu inconfortable.
Ma question est donc : est-ce que le marketing est toujours pertinent dans une économie en décroissance ou en recherche de sobriété ?
Nicolas : Je crois que oui. Tout dépend de la définition qu’on donne au marketing. Si on définit le marketing comme la discipline qui fait se rencontrer une offre et une demande, alors oui, il y aura toujours du marketing tant qu'il y aura des échanges économiques. Même dans un monde post-croissance, tant qu'il y aura des échanges économiques, il y aura du marketing. Toutefois, ce sera probablement un marketing assez différent de ce que nous connaissons aujourd'hui. Cela implique de repenser de nombreux concepts. Pour les professionnels du marketing, c’est confrontant, car le marketing est souvent associé à la croissance ou au mieux au statu quo. Mais la décroissance introduit une dissonance cognitive.
Donc, déjà, bonne nouvelle, je vais garder mon métier. Mais comme tu dis, il faut repenser la manière de faire du marketing. Cela me fait penser à la campagne des "dé-vendeurs" de l'Ademe, qui repense le métier du vendeur dans un contexte où l'objectif n'est pas uniquement la croissance. Selon toi, quels sont les principaux défis et opportunités pour le marketing dans ce contexte ?
Nicolas : Pour répondre à cette question, il faut d’abord comprendre pourquoi ce concept de décroissance peut être important. Il y a un débat entre ceux qui pensent qu’on doit réduire notre empreinte écologique en consommant moins et ceux qui misent sur l’innovation technologique pour produire de manière plus propre sans changer notre mode de vie. En réalité, on devra probablement faire les deux. Des scénarios montrent que s’appuyer uniquement sur la sobriété est difficile et socialement compliqué. Inversement, tout miser sur la technologie comporte des risques et des incertitudes. Un mix intelligent entre sobriété et technologie est nécessaire. Il ne faut pas évacuer la sobriété sous prétexte qu’elle est difficile à accepter. De plus, la sobriété ne s’applique pas de la même manière à tous les secteurs ni à toutes les personnes. Les défis et opportunités du marketing dépendent donc du secteur et de la capacité des entreprises à repenser leur modèle économique.
Tu dis que cela dépend des secteurs. Pour certains, comme le transport aérien ou la viande de bœuf, la décroissance est plus complexe à gérer et entre en clash avec le marketing. Mais si on considère des entreprises prêtes à repenser leur modèle, quelles sont les solutions possibles ?
Nicolas : Il y a un concept intéressant appelé "Avoid, Shift, Improve". Pour réduire l’empreinte écologique d’un secteur, on peut éviter certaines actions (Avoid), changer les méthodes pour satisfaire les besoins de manière différente (Shift), ou améliorer les pratiques actuelles (Improve). Éviter est radical mais efficace, changer les méthodes implique de réinventer le modèle économique, et améliorer consiste à continuer avec des pratiques légèrement meilleures. De nombreuses entreprises se trouvent au niveau Improve, mais cela ne suffit pas toujours. Le Shift est souvent nécessaire, comme passer de la vente de voitures à des services de mobilité partagée. Ce n'est pas simple, mais des entreprises se réinventent de cette manière. Faire confiance uniquement aux forces du marché ne suffit pas ; un cadre législatif et une vision politique sont nécessaires pour inciter les entreprises à évoluer vers des modèles plus vertueux.
J'ai un exemple en tête. Une entreprise de boissons avait trouvé une plante donnant un goût incroyable à leur produit, mais produire à grande échelle aurait épuisé les ressources de cette plante. Ils ont donc annulé le projet. Pourquoi une entreprise investirait-elle dans le marketing pour potentiellement moins vendre ?
Nicolas : Si on parle de sobriété, cela ne signifie pas nécessairement moins de consommation ou de satisfaction des besoins. Cela signifie moins de production et d’utilisation de ressources matérielles. Par exemple, au lieu de vendre des perceuses, une entreprise pourrait les louer, produisant ainsi moins mais gagnant peut-être autant voire plus en chiffre d’affaires. La sobriété peut donc présenter une opportunité économique sans forcément réduire les revenus, en changeant le modèle d’affaires pour répondre aux besoins de manière plus durable.
Cela me fait penser à la marque 900care, qui vend des produits d’entretien sous forme de poudre à mélanger avec de l'eau. Leur système d’abonnement rend leurs revenus plus pérennes qu’une lessive classique. Cela montre bien un shift de modèle économique. Comment le marketing peut-il aider à créer de nouveaux imaginaires désirables ?
Nicolas : Le marketing a le pouvoir de créer de la valeur et de réimaginer notre rapport à la consommation. Il peut influencer les comportements et aider à créer des futurs désirables. Par exemple, il y a 30 ans, porter un manteau de fourrure était désirable, mais aujourd’hui, c’est complètement has-been. De même, rouler dans un gros SUV à essence pourrait devenir obsolète demain. Le marketing peut aider à faire évoluer les mentalités vers des modèles plus durables.
Le marketing est souvent considéré comme un "Bullshit Job". As-tu exploré cette réflexion dans ton travail pour aligner le marketing avec la transition environnementale et sociétale ?
Nicolas : Oui, de nombreux professionnels du marketing se posent des questions sur le sens de leur travail, surtout dans des économies saturées. Le marketing peut se réinventer en ajoutant le bien commun dans l’équation. La chocolaterie Galler, par exemple, a remplacé son département marketing par un département de Markéthique, qui intègre le bien commun dans ses pratiques. Cela implique de créer de la valeur pour la société, pas seulement pour l’entreprise et ses clients. C’est un changement fondamental et difficile, mais cela peut rendre le travail des marketeurs plus intéressant et aligné avec la transition nécessaire.
Si tu devais conseiller une action concrète aux marketeurs pour revoir leurs pratiques vers plus de sobriété, ce serait laquelle ?
Nicolas : La première chose est de s’informer et de se former sur le sujet. Il existe des outils comme la fresque du climat pour comprendre les enjeux. Ensuite, j’ai développé un outil appelé "Quinze leviers pour un marketing plus durable", disponible gratuitement sur mon site web. C’est un modèle simple pour aider à agir dans la bonne direction.
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