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Militantisme féministe et marketing : une influence mutuelle avec Marine Pétroline

Cet article est le transcript et les ressources de l'épisode 29 du podcast Slow Marketing. 🎧 Voici le lien pour écouter l'épisode ! 📮Abonne-toi à la Newsletter pour ne rien louper des prochains épisodes !


Si c'est pour vendre des t-shirts "Women Empowerment" produits par des pakistanaises à moins d'un euro de l'heure, il y a un souci de cohérence et là on tombe dans le féminisme-washing.

Marine Pétroline, fondatrice des "Chroniques du sexisme ordinaire", nous éclaire sur l'entrelacement complexe du féminisme et du marketing. À travers cet épisode spécial pour la Journée internationale des droits des femmes, découvrez comment les petites discriminations façonnent notre quotidien et comment les stratégies de marketing peuvent amplifier ou atténuer ces inégalités. Marine partage son expérience en utilisant le marketing pour combattre le sexisme et promouvoir l'égalité de genre, démontrant l'impact puissant d'un message bien articulé.


🔍 Questions clés de l'épisode :

  1. Comment le marketing peut-il influencer les normes de genre et vice-versa ?

  2. Quelle est l'approche de Marine pour utiliser les outils de marketing dans la lutte contre le sexisme ?

  3. Quels défis Marine a-t-elle rencontrés en intégrant le féminisme à sa stratégie de marketing ?

  4. Comment peut-on naviguer entre militantisme et marketing sans compromettre son message ?

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#32  Militantisme féministe et marketing :  une influence mutuelle  avec Marine Pétroline


Les ressources


Le transcript

Pour célébrer la Journée internationale des droits des femmes le 8 mars, nous explorons aujourd'hui l'influence réciproque entre le féminisme et le marketing. Avant de plonger dans ce sujet, Marine, peux-tu te présenter et nous parler de ton initiative, "Les chroniques du sexisme ordinaire" ?

Bien sûr, Anaïs. Je suis Marine, fondatrice des "Chroniques du sexisme ordinaire", un projet qui vise à mettre en lumière le sexisme dans tous ses aspects, des plus évidents aux plus subtils. Ce projet est né de ma volonté de révéler les inégalités de genre souvent ignorées ou minimisées. Contrairement aux idées reçues, le patriarcat imprègne tous les aspects de notre vie, des violences sexuelles et des écarts salariaux jusqu'aux aspects apparemment triviaux comme la taille des poches de nos pantalons, la façon dont est calculé le PIB, ou encore la stratégie de déneigement en Suède.

Mon travail ne se limite pas aux grandes injustices ; il s'étend aux petites discriminations qui, ensemble, contribuent à perpétuer le système patriarcal. À travers mon podcast et mon spectacle "Chroniques du sexisme ordinaire", je cherche à éveiller les consciences sur ces discriminations quotidiennes. Certaines peuvent les considérer comme mineures ou dérisoires, mais pour moi, elles sont autant de fronts sur lesquels il faut lutter contre le patriarcat. Les systèmes de domination sont complexes et interconnectés, qu'il s'agisse du sexisme, du racisme ou de la colonisation. Il est essentiel de combattre ces inégalités à tous les niveaux pour parvenir à un changement significatif.


Dans le cadre de la Journée internationale des droits des femmes, je voulais savoir comment, en tant que militante et créatrice de contenu sur le féminisme, tu utilises les outils de communication et marketing pour diffuser ton message. Ta description des "Chroniques du sexisme ordinaire" m'a vraiment marquée, surtout la phrase "si le diable est dans les détails, le patriarcat l'est aussi" – pour moi, c'est du pur génie marketing.

Merci beaucoup. Je me considère comme une marketeuse et vendeuse autodidacte. Mon intérêt pour le marketing a débuté lorsque je suis devenue directrice d'une agence de design et intelligence collective, me poussant à apprendre les rudiments du marketing et du positionnement de marque. Ayant un passé en recherche en sciences sociales, j'ai naturellement appliqué une démarche analytique à ces questions.

Lorsque j'ai lancé "Chroniques du sexisme ordinaire", j'ai commencé par définir clairement le positionnement de la marque, en répondant à des questions fondamentales telles que notre identité, nos objectifs, notre public cible et ce que nous apportons. J'ai même élaboré une plateforme de marque complète avant de diffuser le premier épisode du podcast, incluant des essais de slogans et une réflexion approfondie sur notre message.

L'identité visuelle était également cruciale pour moi. Grâce à mon expérience en agence de design, j'ai collaboré avec une ancienne graphiste pour créer une identité visuelle simple mais impactante, que je pouvais facilement adapter et utiliser. Cela s'est avéré payant, car les retours ont souvent souligné le professionnalisme de notre présentation visuelle, au point que certains ont cru à tort que "Chroniques du sexisme ordinaire" était produit par une équipe plutôt qu'une personne.

J'ai investi dans la qualité, que ce soit pour le visuel ou la qualité sonore du podcast, cherchant à offrir un contenu professionnel et engageant. Tous ces efforts contribuent à l'illusion d'une production d'agence, même si, en réalité, tout est réalisé avec des moyens relativement modestes.


La cohérence est vraiment la clé d'un bon branding. Je te suis sur diverses plateformes, comme Instagram, LinkedIn, et Spotify, et il m'arrive de reconnaître tes publications sans même voir ton nom ou celui du podcast. Cela se fait en une fraction de seconde grâce à cette cohérence visuelle.

Exactement, c'est souvent le violet et quelques petits détails qui font la signature. J'utilise des cartes postales que je distribue lors de mes spectacles, une pratique que j'ai adoptée en m'inspirant du monde du stand-up et du one-man-show, où l'affiche est un outil de promotion essentiel. Contrairement aux affiches traditionnelles, j'ai choisi un format paysage avec un fond uni et notre slogan "Si le diable est dans les détails, le patriarcat aussi", imprimé sur un papier de qualité pour encourager les gens à le conserver comme une carte postale.

Cette idée m'est venue après plusieurs essais et discussions avec un ami, qui m'a suggéré d'utiliser simplement le slogan en format paysage. Cette approche a très bien fonctionné, confirmant que la création visuelle est un art en soi. Même avec une bonne identité visuelle à la base, créée par un professionnel, il est possible de gérer seul la suite à condition d'avoir une base solide.

Régulièrement, je consulte mes amis graphistes pour avoir leur avis sur mes créations, prenant des photos de mon écran et leur demandant leur opinion. Leur expertise me permet d'apporter des ajustements précis, car même si on peut improviser jusqu'à un certain point, l'expertise professionnelle en design est irremplaçable.


Ce qui est frappant avec ton approche du flyer, c’est que tu as rompu avec les codes traditionnels du flyer de spectacle. Tu as cherché à créer un objet qui a sa propre vie, au-delà de ce qui finit froissé au fond d’une poche ou oublié dans une entrée. Tu voulais quelque chose qui, parce qu’il est esthétique et porte un message résonnant avec tes valeurs, serait affiché et non jeté.

Parmi les objets que j'utilise, il y a le t-shirt violet avec notre slogan, qui n'est pas forcément bio ou éco-responsable en raison des difficultés de production à l'unité et de la rareté du violet. Ce t-shirt, je le porte dans mes spectacles et mes vidéos, m'assurant ainsi d'être mon propre panneau publicitaire. Un autre objet marquant est la pancarte, qui revêt une dimension militante. Il y a quelques années, j'en ai créé une pour une manifestation, simple, avec le slogan peint dessus, qui est maintenant devenue un accessoire de mon spectacle. Je me promène avec lors d'événements, comme à la Web2Day, attirant l'attention et facilitant l'interaction.

C'est amusant de devoir parfois négocier son entrée avec cette pancarte, mais elle s'est révélée être un formidable outil de communication. À un événement, j'ai même été confrontée à une remarque désobligeante d'un homme, suggérant que mon discours était celui d'une femme frustrée. Plutôt que d'engager une dispute stérile, j'ai utilisé cette interaction pour créer du contenu engageant pour mes abonnés, transformant un commentaire négatif en une opportunité de renforcer mon message.


En tant que militante et créatrice de contenu axée sur le féminisme, comment utilises-tu les outils de communication et marketing pour promouvoir ton message ?

Et bien, en tant que marketeuse autodidacte avec une solide base en sciences sociales, j'ai abordé mon projet, Les Chroniques du Sexisme Ordinaire, avec une réflexion stratégique sur l'identité de marque. Avant même de lancer le premier épisode de mon podcast, j'avais déjà élaboré toute une stratégie de marque, y compris le positionnement, l'identité visuelle, et même les slogans. Cela m'a permis de créer un contenu cohérent et professionnel, au point que certains ont pu penser qu'une agence était derrière ce projet.


C'est impressionnant de voir à quel point tu as maîtrisé les aspects du branding pour te démarquer, même avec des ressources limitées.

Absolument. J'ai investi dans l'identité visuelle et la qualité sonore pour assurer une présence forte et professionnelle dès le début. Cela montre que même en tant qu'individu, avec un bon sens du marketing et une approche stratégique, on peut créer une marque forte et reconnaissable.


C'est fascinant de voir comment, même dans le domaine du militantisme, des techniques de marketing novatrices sont utilisées. Ces approches semblent nécessiter plus de créativité, notamment en raison de budgets souvent limités. As-tu observé d'autres manières dont les associations ou militants innovent en matière de marketing et communication pour promouvoir leurs causes ?

Oui, en effet, si l'on pense au street marketing et à des actions de happening, je ne suis pas certaine que des groupes comme Act Up, qui dans les années quatre-vingt-dix lançaient du faux sang sur des intervenants pour attirer l'attention sur leur cause, se reconnaîtraient dans le terme de marketing. Pourtant, leurs actions avaient un objectif similaire : rendre visible un message, convaincre et rallier du soutien pour un changement. Ces tactiques sont essentiellement des outils de marketing appliqués à un contexte non commercial. L'effort de recouvrir l'obélisque de la place de la Concorde avec un préservatif géant est un exemple frappant. Aujourd'hui, on voit des actions comme les collages féministes, qui utilisent des moyens simples mais très visibles pour communiquer leur message, démontrant qu'il n'est pas nécessaire d'avoir un budget conséquent pour avoir un impact significatif.

Des initiatives plus récentes, comme Planète Boom Boom d'Alternatiba, qui cherche à intégrer de la musique et de la danse dans les manifestations pour porter des messages militants de manière joyeuse et engageante, montrent bien la créativité et l'ingéniosité des mouvements militants. Ces approches, bien qu'elles puissent être perçues comme relevant plus de l'art ou du militantisme que du marketing pur, empruntent néanmoins à la logique du marketing pour atteindre et engager le public.


Lorsque je pense à la campagne "Like a girl" d'Always, je la trouve incroyablement puissante du point de vue féministe. Ils montrent clairement comment les actions quotidiennes, lorsqu'elles sont qualifiées de "comme une fille", prennent une connotation dégradante. Cette campagne soulève une question cruciale : à quel moment avons-nous transformé "comme une fille" en une insulte? Malgré le pouvoir de cette campagne, Always a encore beaucoup à améliorer sur d'autres fronts. Je suis curieuse de connaître ton avis sur les grandes marques qui adoptent des messages féministes.

Les campagnes comme celle d'Always soulèvent une discussion importante. Elles peuvent être vues comme un pas dans la bonne direction et bénéficier d'une large diffusion grâce à la puissance marketing des grandes marques. Toutefois, il est crucial de ne pas les accepter sans esprit critique. Ces entreprises cherchent avant tout à vendre leurs produits, souvent en promouvant une large gamme d'articles pas toujours nécessaires ou problématiques. Le défi est de savoir si ces marques sont réellement alignées avec les valeurs qu'elles prétendent soutenir, tant en termes de produits que de pratiques internes. On tombe facilement dans le féminisme de façade quand il y a un manque de cohérence entre le message publicitaire et l'engagement réel pour les causes féministes. Les campagnes émotionnelles peuvent toucher, mais il est essentiel de se demander quel est le véritable message derrière et si ces initiatives mènent à un changement concret ou si elles ne sont qu'une stratégie de marketing. La vigilance est de mise pour s'assurer que ces messages ne masquent pas des pratiques contraires aux valeurs proclamées.


J'aimerais revenir sur ton podcast "Chronique du sexisme ordinaire". C'est un média engagé, et je suis curieuse de connaître les défis que tu as rencontrés en intégrant ce message dans ta stratégie de marketing et communication.

Le défi principal, comme pour toute création de contenu, est la pérennité. Cela concerne la génération continue d'idées nouvelles et le maintien de l'engagement sans sacrifier sa qualité de vie. Financièrement, vivre de son art est complexe dans une économie où le logement et les besoins fondamentaux ont un coût. Les options typiques pour les médias incluent la publicité ou les abonnements, nécessitant une grande audience, ce qui est difficile pour un petit média militant.

Même pour des médias établis et reconnus comme les Glorieuses, trouver des sponsors prêts à s'engager pleinement peut s'avérer ardu. Les alternatives comme les subventions ou le mécénat demandent beaucoup d'effort et ne garantissent pas le succès. Face à ces réalités, je me suis orientée vers la création d'un produit ou d'un service ayant une valeur ajoutée pour mon audience et capable de générer des revenus, même sans me rémunérer directement au début.

Le spectacle conférence est né de cette réflexion. Initialement envisagé comme un projet de scène, il s'est concrétisé en podcast puis en conférence professionnelle. Cette évolution visait à positionner "Chronique du sexisme ordinaire" dans le domaine des conférences professionnelles, marché différent mais potentiellement lucratif. Cependant, se faire une place dans ce secteur prend du temps et nécessite de bâtir une réputation.

En 2023, "Chronique du sexisme ordinaire" a généré un chiffre d'affaires de 10 000 euros, un début prometteur soutenu à la fois par des subventions et des revenus liés au spectacle. Pour compléter mes revenus, je continue de travailler en freelance. Le modèle économique reste en développement, cherchant un équilibre entre passion et viabilité financière.


J'entends parler de réactions et de trolls lorsqu'on aborde des sujets sensibles. Quelle a été ton expérience avec cela, surtout sur des plateformes comme Instagram et TikTok?

Au début, j'avais une grande peur des trolls, influencée par des documentaires sur le cyberharcèlement. C'est une des raisons pour lesquelles j'ai choisi le podcast, où l'on est un peu plus à l'abri. Sur Instagram, où j'ai débuté, je n'ai pas eu beaucoup de trolls, grâce à l'algorithme qui crée une sorte de bulle. TikTok, en revanche, m'a donné des palpitations. Bien que je n'ai pas reçu d'insultes ou de menaces graves, la bêtise et la remise en question systématique de mes recherches et arguments m'ont épuisée. Il est important de se protéger et de comprendre que tu ne peux pas convaincre tout le monde. Parfois, il faut couper pour protéger sa santé mentale.

La gestion des réactions négatives est essentielle, et il faut savoir quand se retirer pour préserver son bien-être, tout en restant fidèle à ses convictions et à ses limites personnelles.




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